Dans la continuité du parcours des Tuileries, la FIAC laisse carte blanche à un artiste contemporain au musée national Eugène Delacroix, rattaché au Musée du Louvre depuis 2004. Situé dans le dernier atelier et appartement d’Eugène Delacroix, au cœur de Saint-Germain-des-Prés, le musée Eugène-Delacroix est un havre de paix, entre cour et jardin. Conçu par le peintre lui-même, l’atelier fut transformé en musée à l’initiative de Maurice Denis et des grands peintres des années 1920. Il est ainsi un lieu dédié à la création artistique.

Pendant la semaine de la FIAC, un service de médiation est assuré par les élèves de l'Ecole du Louvre : ils présentent les œuvres, en répondant aux questions des visiteurs.

Accès libre sur présentation d’un titre d’entrée FIAC.

Jean Claracq

Jean Claracq

Training Ground & Burj Al Babas, 2021

Tempera sur Papier

peinture: 14,4x13,4 cm / cadre: 28,5x28,5 cm

Courtesy galerie sultana. 

Photo: Marc Domage

À l’occasion de l'édition de la FIAC Hors les Murs 2021, le Musée national Eugène-Delacroix présente une exposition de nouvelles œuvres du peintre français contemporain Jean Claracq (né en 1991 à Bayonne, France). Les œuvres miniatures de Claracq oscillent entre réalité et fiction. Rendus avec une précision remarquable, ses sujets privilégiés – de jeunes hommes souvent tirés de photos qu’il trouve sur Instagram et d’autres réseaux sociaux – deviennent des “avatars” dans des scènes d’un monde hyperconnecté mais isolé. Construit à partir d'un grand nombre d’images extraites de livres, de magazines, d’Internet et de l’espace public, les compositions de Claracq confondent l’espace et le temps. Idées disparates et perspectives contradictoires convergent dans ses images, et produisent des nouveaux moyens de comprendre la réalité.  

 

De la même façon, le dialogue né entre les œuvres de Delacroix et de Claracq lors de cette présentation révèle des affinités inattendues entre les artistes qui, nés à près de deux cents ans d’intervalle, partagent un goût pour la représentation de de l’individu dans un monde ennuyeux. Le format intime du portrait sert de point d’entrée à cet échange. Les sept peintures à l’huile sur bois et à la tempera de Claracq répondent à deux œuvres de la collection du musée : le Portrait d’Auguste-Richard de la Hautière (1828), un véritable étudiant parisien de quinze ans, et Roméo et Juliette au Tombeau des Capulets (1851), une représentation passionnée des amants malheureux de William Shakespeare au moment précédant leur mort.

 

“Sombre, délicieuse pourtant, lumineuse, mais tranquille.”[1] Ces mots, exprimés par Charles Baudelaire pour décrire l’impression laisse par les tableaux de Delacroix, rendent également compte de la sérénité vibrante des œuvres de Claracq. Delacroix pouvait se confronter à de très grands formats pour représenter des sujets religieux mais aussi issus de l’histoire ou de la littérature.  Les peintures lumineuses de Claracq, qui représentent des moments banals et profanes, sont imprégnées de sacré. Claracq construit ses scènes lisses et subtilement érotiques – de jeunes hommes aux torses nus qui traînent, prennent des selfies, ou boudent – à partir de centaines de fragments visuels recueillis numériquement qu’il assemble en une composition hétérogène, produisant un monde “plus réel que réel”. Claracq peint à la loupe pour inclure des détails minuscules tels que les titres au dos des livres ou une recherche Google sur un iPhone allumé. Ces peintures, faussement lisibles, sont constituées de plus que ce que l’œil peut voir. Cette approche fait à la fois référence à la perspective développée par les peintres flamands de la Renaissance pour transmettre le concept de visio Dei (vision de Dieu) et à l’effet d’aplatissement d’Internet sur la hiérarchie de l’information au XXIe siècle.

 

[1] Charles Baudelaire, ‘L’Oeuvre et la vie d’Eugène Delacroix’, L’Art romantique dans Œvres completes de Charles Baudelaire III, Paris, Calmann Levy, 1885.